Une part substantielle de la population achète des logements dans le but de les “revendre”. On parle alors de spéculateurs, définis ainsi parce que, premièrement, ils n'ont pas l'intention d'habiter ces biens et, deuxièmement, ils n'ont pas l'intention de les conserver plus de quelques mois ou, au maximum, une année.
La spéculation est, dans une certaine mesure, utile au marché de l'immobilier, car elle apporte des liquidités. Cependant, au-delà d'un certain niveau, le coût des transactions s'en trouve impacté et une bulle peut se former. Ce niveau peut-être déterminé en mesurant les ratios prix-loyer ou prix-bénéfice. Ces indicateurs d'accessibilité largement utilisés comparent les prix moyens des logements aux loyers annuels moyens et aux revenus individuels. Un ratio élevé et, plus important encore, un ratio qui s'écarte considérablement de sa moyenne historique, peuvent indiquer un excès spéculatif.
Ratio prix/loyer en Suisse
Source: Trading Economics
Le graphique ci-dessus montre qu'en Suisse, le ratio était de 126,7% à la fin de l'année 2022. C'est 71% de plus que le niveau le plus bas atteint en 2002, mais encore 11,4% de moins que le sommet historique de 1989, enregistré il y a plusieurs dizaines d'années. Ces données suggèrent que le marché suisse de l'immobilier n'est peut-être pas une bulle.
Pour définir une bulle, les ratios ne dévient pas beaucoup de leurs moyennes à long terme. Le graphique des ratios prix/loyer le confirme, alors que celui du ratio prix/bénéfice place la Suisse au dixième rang des pays de l'OCDE pour ce qui est des ratios les plus élevés.
Ratios prix du logement/revenu dans les pays de l'OCDE (2015=100) au 1er trimestre 2023 ou à la date la plus récente disponible
Source: OCDE
Pour finir, une bulle a besoin d'un catalyseur, d'une étincelle qui mettra le feu à la confluence combustible de l'argent facile, de la liquidité abondante du marché et de la spéculation effrénée. Selon les auteurs de Boom and Bust, historiquement, l'étincelle a été soit une nouvelle technologie, comme l'internet pendant la bulle “dot-com” (1995-2000), soit une nouvelle politique gouvernementale, soit les deux. Cette théorie diffère de celle de Hyman Minsky sur l'instabilité des marchés, selon laquelle une simple inversion des prix peut affoler les spéculateurs et provoquer une crise.
Le secteur de la technologie, illustré dans le graphique ci-dessous par le marché NASDAQ à dominante technologique, domine le marché boursier depuis plus d'une décennie grâce à la croissance des ventes en ligne, des réseaux sociaux, de la blockchain, de l'intelligence artificielle et de bien d'autres facteurs. Toutefois, aucun de ces éléments ne représente une nouvelle technologie.
Performance du NASDAQ, du S&P 500 et du Russell 2000 depuis les années 1980
Source: Yahoo Finance